La gestion avancée des réseaux de distribution

Que ce soit en France ou dans le monde, la gestion avancée des réseaux de distribution se développe notamment pour :

– Réduire les temps de coupure, en réalimentant au plus vite le maximum de clients après un incident.
– Accroître la capacité des réseaux à accueillir la production d’électricité renouvelable, tout en maintenant la tension d’alimentation dans sa plage réglementaire.

 

 

Si le premier objectif peut paraître limpide, le second demande un peu plus d’explications.

La production d’électricité à partir d’énergies renouvelables a deux caractéristiques importantes :

– Elle est variable selon les conditions météorologiques.
– Elle est répartie sur tout le territoire et raccordée majoritairement sur les réseaux de distribution haute tension HTA (20 000 V~) et basse tension BT (230 V~), cela dans un système électrique conçu historiquement pour accueillir la production plus en amont, sur le réseau de transport.

Or toute production d’électricité élève la tension des réseaux là où elle est raccordée. Si l’on n’y prenait garde, cela conduirait à des fluctuations inacceptables de la tension d’alimentation des clients, voire des coupures.

Des réseaux déjà smart (Smart Grid)

En France, ERDF a automatisé en 2009 le pilotage des réseaux HTA pour réduire les durées de coupure après incidents.
Et l’effort se poursuit : le groupe EDF garde une longueur d’avance par ses travaux de recherche et ses plates-formes sur les systèmes électriques intelligents, et participe activement à des démonstrateurs smart grids grandeur nature, pour tester de nouveaux systèmes avancés facilitant l’intégration de la production décentralisée.

Des réseaux électriques encore plus intelligents

 

 
(1) 2200 postes sources en France
(2) 105 000 organes de télécommande sur le réseau ERDF
(3) 750 000 postes de distribution

L’évolution se poursuit : dans le démonstrateur VENTEEA coordonné par ERDF, ou des essais sont réalisés sur la régulation centralisée de la tension pour faciliter l’intégration des énergies renouvelables.

VENTEEA :
Situé dans l’Aube, département qui concentre le plus d’éoliennes de moyenne et forte puissance en France, VENTEEA vise à étudier l’adaptation du réseau de distribution d’électricité à la production d’énergies renouvelables, et plus précisément éolienne. Le projet s’appuie sur le parc éolien implanté à Vendeuvre-sur-Barse, il a été initié par ERDF en association avec huit partenaires industriels.

Réduire les durées de coupure

Après un défaut Les réseaux de distribution HTA sont composés de multiples faisceaux de lignes aériennes ou câbles enterrés (des «départs») issus des postes sources, entrecoupés de postes de distribution publique et d’interrupteurs.

Il existe plusieurs schémas d’alimentation possibles. En cas de défaut sur le réseau (court-circuit par exemple), il est possible de réalimenter une grande partie des clients en manœuvrant ces interrupteurs à distance.

L’automatisation de la recherche du meilleur schéma, dite “reconfiguration optimale” (respectant de multiples contraintes telles que les dispositifs de protection et le courant maximal des conducteurs) et des manœuvres pour y parvenir est une technique assez récente qui a permis de diminuer notablement les durées de coupure, et de réagir plus efficacement en cas de tempête, lorsque les incidents se succèdent plusieurs heures durant et sur un large territoire.

Gérer la tension pour accroître la capacité d’accueil

Le raccordement d’un site de production augmente localement la tension sur le réseau. Pour éviter de dépasser les tensions contractuelles, le raccordement d’un producteur en HTA peut nécessiter la création d’un départ supplémentaire, dit “départ dédié” à partir du poste source.

Le coût de l’opération peut toutefois être assez élevé en fonction de l’éloignement du site, mais s’avérer inévitable lorsque les départs existants n’ont pas la capacité suffisante pour accueillir un volume de production trop important.

Avec les smart grids la gestion avancée de la tension offre une solution alternative intéressante en augmentant la capacité d’accueil des départs existants, alimentant déjà d’autres clients.

Pour maîtriser la tension, l’agence de conduite est équipée d’un système intelligent et centralisé, agissant sur différents points :

– Abaisser la tension du poste source pour compenser l’augmentation due au producteur, mais cela affecte la tension de tous les autres départs.

 

 

– Demander au producteur d’absorber de la puissance réactive : cela abaisse la tension localement au point de raccordement. Par contre cela augmente les pertes électriques sur le réseau (action B sur le schéma).

– Demander au producteur de baisser la puissance active injectée : cela abaisse également la tension, mais au détriment de l’énergie produite (action B sur le schéma).

Grâce à une nouvelle fonction intelligente, le raccordement en départ existant devient possible, pour un coût bien inférieur à celui du départ dédié.
L’efficacité de la fonction est renforcée lorsque les producteurs participent au réglage de la tension.
Pour implémenter cette télégestion centralisée de la tension, et calculer les consignes à envoyer aux différents leviers, il faut équiper le réseau électrique de capteurs de tension.
Mais multiplier les capteurs pour avoir une image complète de la tension serait économiquement irréaliste.

Pour cela, une nouvelle fonction avancée vient à notre secours : l’estimation d’état des réseaux de distribution.
Cette fonction pourrait être la paire de jumelles de l’agence de conduite, lui permettant de scruter la tension en tout point du réseau.
Mais elle est plus que cela : à partir d’un nombre limité de capteurs, elle est capable de reconstruire
l’image de la tension sur l’ensemble des départs du poste source, en tenant compte des erreurs de mesure.

Les réseaux de distribution peuvent avoir une structure radiale en antenne ou être partiellement maillés par l’intermédiaire d’interrupteurs répartis. Les gestionnaires de réseaux s’appuient sur un système de gestion de réseaux (distribution management system : DMS) pour en piloter le fonctionnement. Une IHM (interface homme machine) permet de suivre en temps réel l’état du réseau : tensions, courants dans les lignes et flux de puissances.

Toutefois ces grandeurs ne peuvent être calculées à l’aide d’un calcul de répartition de puissance (load-flow) classique du fait d’un manque de mesures. Il est alors nécessaire de développer un estimateur d’état utilisant les capteurs disponibles et des modèles de charge. Les mesures utilisées sont de trois types : mesures réelles (avec capteurs), pseudo-mesures (modèles de charge) et mesures
virtuelles (nœuds sans injection ni soutirage).

Un estimateur d’état opérant en temps réel, dont le processus de l’estimation d’état s’exécute en quelques dizaines/centaines de millisecondes.
Ce nouvel outil repose non seulement sur une technologie hardware d’avant-garde mais aussi sur l’utilisation d’algorithmes numériques très performants.
Au niveau hardware, le DESL (Laboratoire des systèmes électriques de Lausanne) s’appuie sur l’utilisation massive d’un prototype de PMU (Phasor Measurement Unit) qui est en développement en ce moment.

Des nouvelles fonctions intelligentes pour relever les défis :

– La gestion prévisionnelle qui viendra s’intercaler entre les systèmes de conduite du réseau.
– La gestion de la demande : maîtriser les pointes de consommation (comptage communicant Linky, le déclenchement des chauffe-eau pourrait être synchronisé avec la production solaire…)
– La gestion des différents modes de recharge des véhicules électriques (rapide ou lente, plages horaires…).
– La gestion du stockage par batteries.

 




 

Lexique :

Watt (W) : unité internationale de puissance. Correspond à la quantité d’énergie consommée ou produite par unité de temps. 1W = 1 joule par seconde.

Mégawatt (MW) : 1 million de Watts. Correspond à la consommation de 100 000 lampes (ampoules) basse consommation de 10 W.

Gigawatt (GW) : 1 milliard de Watts. Correspond à la puissance électrique moyenne fournie par un réacteur de centrale nucléaire.

HTA : haute tension entre 1000 Volts et 50 000 Volts en courant alternatif.

BT : basse tension entre 50 Volts et 1000 Volts en courant alternatif. Sur le réseau 400 V triphasé / 230 V monophasé.

Poste source : installation électrique moyenne tension, constituée de transformateurs connectés au réseau de transport et abaissant la tension à 20 000 V pour alimenter les réseaux HTA (2200 postes sources en France).

Poste de distribution publique : installation électrique constituée d’un transformateur connecté au réseau HTA et abaissant la tension pour alimenter les réseaux BT (750 000 postes en France).

Interrupteur en réseau : dispositif de coupure pour les réseaux HTA. En France, il y en a 105 000 commandables à distance depuis les agences de conduite.

Puissance active : en courant alternatif, c’est la puissance électrique réellement utilisable (convertible en énergie mécanique et thermique). Elle correspond à la composante du courant alternatif en phase avec la tension, multipliée par cette dernière.

Puissance réactive : il s’agit d’une puissance fictive. Elle correspond à la composante du courant alternatif en quadrature avec la tension, multipliée par cette dernière. L’injection ou la consommation de puissance réactive tend à faire augmenter ou baisser la tension.